Entretien autour du film Nature, co-écrit avec Yann Arthus-Bertrand
16 ans après Home, Yann Arthus-Bertrand propose depuis février dernier le documentaire Nature, co-écrit avec la journaliste Anne-Sophie Novel.
Projeté dans le cadre de la Semaine des Transitions à Draguignan, ce nouveau film nous plonge au cœur du vivant, entre images spectaculaires de la planète vue du ciel, photographies du Système solaire et vues aériennes de glaciers.
Entretien avec Anne-Sophie Novel.
Vous avez co-écrit le récent film Nature aux côtés de Yann Arthus-Bertrand, projeté lors de la Semaine des Transitions début juin à Draguignan. Comment avez-vous travaillé pour préparer ce film ?
« Nous avons travaillé à ce projet durant 11 mois. J’ai beaucoup investi dans ce projet en me plongeant dans les nombreux livres dédiés à la Nature, au vivant.
Mais également à comprendre la volonté de Yann, qui est un créatif intuitif et souhaite mettre plein de choses dans ses films, dont l’amour est un de ses thèmes de prédilection.
J’ai dû lui proposer six synopsis différents.Je lui ai dit : la période nous oblige à être plus offensif, on ne peut pas refaire un film comme ceux que tu as déjà faits.
Cela n’a pas toujours été facile d’obtenir les arbitrages. Yann croit beaucoup en l’action individuelle et en l’amour. Je crois bien davantage aux leviers politiques, à l’empathie et aux efforts de composition.Nous avons beaucoup négocié – j’ai réussi à maintenir le passage sur le chlordécone, mais je n’ai pas réussi pour la convention citoyenne sur le climat – aussi pour des questions d’images, plus ou moins esthétiques, ce que j’entends.
Nous avons aussi une vision différente sur la part de l’action individuelle et le besoin de politiser le propos pour l’ancrer dans un rapport de force.
J’ai tenté d’argumenter, en lui disant que si une personnalité comme lui mettait les pieds dans le plat, ça pouvait faire bouger les lignes… cela a donné lieu à pas mal de négociations en interne… »
Êtes-vous satisfaite du résultat ?
« In fine, je suis contente tout de même. Je me suis beaucoup appuyée sur la pensée d’Olivier Hamant et la robustesse du vivant, pour bâtir les propositions de synopsis.
Hamant dit d’une certaine manière que nous sommes une espèce parasite. Yann ne voulait pas le proposer ainsi au public.
Or d’après Hamant, dans un monde d’abondance, on “mange” tout ce que l’on a autour de nous… avant de se dévorer entre nous, dans une logique guerrière !C’est pour cela qu’il était important pour moi de montrer notre déconnexion au vivant et ses conséquences : elles nous conduisent à oublier notre propre biologie du vivant.
En retrouvant le chemin du fonctionnement de la nature, on peut alors déposer des grains de sable, imaginer d’autres logiques, des chemins de traverse, pour devenir plus robustes… »
Quel est selon vous le message du film ? S’agit-il de proposer une réconciliation homme/nature ?
« Ce n’est pas tant une histoire d’harmonie réelle. Il s’agit d’un appel à l’humilité, à l’observation.
Se dire qu’on peut être un peu plus sage. Et comprendre que le vivant, si on le laisse tranquille, reprend ses droits.
Il faut lui refaire de la place.Le message se situe davantage autour de ce qui nous lie, pour comprendre l’interaction entre les vivants. »
Vous avez mené un travail de terrain avant ce film. En quoi cela a-t-il nourri votre approche ?
« Avant ce film, j’ai passé un an et demi sur le terrain pour la revue La Salamandre.
Quand tu comprends les mécanismes du vivant, cela permet véritablement d’agir.
Et de prendre des décisions courageuses, pour cultiver une autre dynamique, adopter une pensée complexe comme celle d’Hamant, ou avant lui celle d’Edgar Morin ou Michel Serres.Désormais, on sait presque tout, on a tout documenté.
Je crois que nous devons à présent engager la phase politique, car la société est politique : si on ne s’en préoccupe pas, elle s’occupe de nous… et actuellement c’est inquiétant.Mais Yann préfère rester dépolitisé, et c’est peut-être ça que les Français aiment chez lui !
Du coup, l’union de nos deux visions apparaît entre les lignes, je crois, quand on écoute bien la voix off, qui reste dense.
Nous n’avons certes pas été d’accord sur tout, mais l’essentiel est là, je crois. »
Ressources complémentaires
Retrouvez le film en replay :
m6.fr/nature-pour-une-reconciliation-p_26779
Plus d’infos sur Anne-Sophie Novel :
demoinsenmieux.com